Autant le dire tout de suite, je suis une fan absolue, inconditionnelle et invétérée de Barbara O’Neil. Et qui pourrait me reprocher d’être ainsi fascinée par miss O’Hara, la mère de Scarlett dans « Autant en Emporte le Vent »? Avec quelle maturité, quelle classe et quelle autorité elle domine son petit monde dans ses crinolines de faille noire. Il fallait bien une Barbara O’Neil dans le rôle pour que longtemps après sa mort, sa servante noire, la savoureuse Hattie MacDaniel soit tétanisée à la simple idée que Scarlett ose toucher aux sacro-saints rideaux de la défunte!
Barbara naît à Saint Louis dans le Missouri le 17 Juillet 1910. Férue de théâtre, Barbara étudiera l’art dramatique à la Yale School of Drama. Elle en sortira en 1931, son master en poche et admirée par son professeur, le très illustre George Pierce Baker. Cet ancien diplômé de Harvard enseigne le théâtre à la Yale dramatic School depuis 1905. Soit cinq ans avant la naissance de Barbara et il avouera plus tard n’avoir jamais été confronté à une telle maîtrise de jeu, une telle présence scénique. En un mot comme en cent, à un tel talent.
Il est littéralement subjugué par son élève, et elle restera d’ailleurs la plus illustre des actrices diplômées de cette prestigieuse école. Lorsque le jeune Joshua Logan fera part de son souci du moment: trouver une grande mondaine pour la saison d’hiver des « University Players » à Charles Pierce Baker, celui-ci proposera immédiatement Barbara. Joshua Logan sera fasciné plus encore par Barbara O’Neil que ne le fut l’éminent professeur, car non seulement il l’engagea séance tenante, mais il finira par l’épouser. Les « University Players » forment une troupe de très haut niveau depuis 1928, année de leur création et où naîtront des gloires et des talents tels que James Stewart, Mildred Natwick, Henri Fonda ou Margaret Sullavan.
Le cinéma s’intéressa à Barbara, encore une fois d’ailleurs parce que l’on recherchait une « grande mondaine » capable de tenir tête à sa rivale Barbara Stanwyck dans « Stella Dallas ». Le rôle était plutôt risqué. Les deux femmes se disputaient un homme plutôt mièvre, John Boles, qui les laisse se débrouiller entre elles avec une éblouissante lâcheté. Barbara Stanwyck a de nombreuses scènes pour prouver à foison la qualité de son amour maternel. Barbara O’Neil en a bien moins pour faire accepter au public son détournement d’affection sur la personne de la fille adulée de miss Stanwyck. Reste que cela passe très bien, et très simplement!
Le public de 1937 sort des cinémas ravis, le croiriez vous, de voir une adolescente abandonner sa mère en voie de clochardisation pour se vautrer dans le luxe et les bonnes manières prodiguées par miss O’Neil! Le film se termine sur Barbara Stanwyck ravie de n’avoir pas pu assister au mariage de sa chère fille adorée et qui s’en va sous une pluie battante, probablement dormir sous un pont et n’ayant plus que son mouchoir à manger!
Barbara O’Neil enchaînera quelques films où elle sera toujours aussi parfaitement saisissante de distinction, avant de revêtir comme on l’a vu, les crinolines quelque peu excessives de madame O’Hara dans « Autant en Emporte le Vent ». Après, ceci dit, que le rôle ait été proposé à Lillian Gish qui s’enfuit en courant à l’idée sans doute, de procréer Vivien Leigh à l’écran!
Après avoir fait partie de la distribution du film le plus mythique de tous les temps, Barbara, dirigée par le jeune Anatole Litvak, affronta Charles Boyer et Bette Davis dans le rôle de l’infortunée duchesse de Praslin qui périt assassinée par son mari dans le Paris du second empire. Elle fut plus époustouflante encore. Pour sa performance de femme aussi élégante que maladivement jalouse et pour tout dire hystérique, elle fut nommée aux Oscars en « meilleur second rôle féminin ». C’est Jane Darwell qui l’évincera pour son rôle de mère infortunée dans « Les Raisins de la Colère ».
Et puis la guerre vint, les bonnes manières perdirent un peu de leur intérêt en ces heures si graves où Betty Grable, Abbott et Costello ou Bob Hope devenaient ce qui se faisait de mieux. Greer Garson fit de l’élégance aux écrans tout à la fois son fond de commerce et sa propriété privée.
Barbara divorça quelque part entre les University Players, Hollywood et la guerre de Joshua Logan et se fit rare aux écrans. Très rare! Moins de dix films en 30 ans. Ce qui ne l’empêcha pas d’être toujours aussi parfaite dans « I Remember Mama » où elle est la concubine outrageant la famille de l’oncle Chris à savoir Oskar Homolka.
Elle s’éteignit emportée par une crise cardiaque dans sa propriété du Connecticut, le 3 Septembre 1980. Elle s’était retirée après un ultime rôle dans « Les Lions de Saint Pétersbourg » en 1970. Elle avait fêté ses 70 ans deux mois avant sa fin.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1937: Stella Dallas: Avec Barbara Stanwyck et John Boles
1939: When Tomorrow Comes: Avec Irene Dunne et Charles Boyer
1939: The Sun Never Sets: Avec Douglas Fairbanks
1939: Tower of London: Avec Basil Rathbone et Boris Karloff
1939: Autant en Emporte le Vent: Avec Vivien Leigh et Hattie MacDaniel
1940: All This and Heaven Too: vec Charles Boyer et Bette Davis
1947: Le Secret Derrière la Porte: Avec Joan Bennett et Michael Redgrave.
1948: I Remember Mama: Avec Irene Dunne et Barbara bel Geddes
1949: Whirlpool: Avec Gene Tierney et Richard Conte
1952: Angel Face: Avec Jean Simmons et Robert Mitchum
1959: The Nun’s Story: Avec Audrey Hepburn