Comment se fait-il que les cinéphiles n’aient pas gardé en mémoire la silhouette sensationnelle de l’actrice Arlette Marchal?
Cette Parisienne née le 29 Janvier 1903 adora trois choses dans sa vie: le cinéma, les voyages et la mode.
En retour, elle fut adorée des plus grands. Bien que née à Paris, le destin d’Arlette Marchal se joua en province, à Aix les Bains en 1920. Handicapée par une timidité maladive qui lui pourrissait la vie, Arlette eut un coup de folie et s’inscrivit à un concours de beauté à la suite d’un « Chiche que t’oseras pas! » Bien entendu elle emporta la victoire et l’admiration du réalisateur en vogue Léonce Perret qui présidait le jury. Elle regagna son cher Paris auréolée de son titre et fit de modestes débuts au cinéma dès l’année suivante, fêtant ses dix-huit ans sur le plateau de « Mon p’tit ».
La débutante, d’une grâce folle avec un sourire évoquant celui de l’idole Gaby Morlay gravit rapidement les échelons de la popularité et devint dès 1924 une intime du couple Françoise Rosay et Jacques Feyder, lequel la dirigea dans « L’Image », un titre qui lui allait magnifiquement.
L’Allemagne, très vite va s’enticher de la belle Arlette et faire d’elle une de ses vedettes essentielles.
En 1925, Léonce Perret qui avait tant admiré ses 17 ans à Aix les Bains la sollicita pour « Madame sans gêne », incarnée par nulle autre que Gloria Swanson dans le film le plus orgueilleux jamais tourné. Pour la première fois en effet, sur l’ordre de son altesse Gloria Swanson, Hollywood se déplaçait sur les lieux historiques où vécurent les héros du film. Gloria s’enticha littéralement de la belle Arlette et l’incita vivement à venir tenter sa chance, quitte à la concurrencer à Hollywood.
Arlette, qui souvent avait accepté des films uniquement pour le voyage qu’ils lui permettraient de faire ne se fit pas prier fort longtemps. Et si la plupart des stars européennes qui gagnèrent Hollywood y furent très malheureuses et y périrent d’ennui, Arlette adora y vivre et y travailler. Elle y retrouva ses chers amis Rosay et Feyder et qui de plus est y trouva le grand amour de sa vie en la personne du réalisateur Marcel de Sano. « L’aventurier le plus charmant qui ait jamais vécu ». Le couple convole le 12 Juillet 1928
Arlette follement heureuse en profite pour donner la réplique à Gary Cooper, Clive Brook ou Adolphe Menjou dans un cinéma devenu parlant sans même qu’elle ne s’en aperçoive. Le son, avec Arlette Marchal valait l’image!
Le destin de la trop heureuse actrice va pourtant basculer au printemps 1936, en Avril.
Marcel de Sano qui possède « la plus belle voiture de Paris » meurt à Ville d’Avray au volant de son superbe véhicule. On croit d’abord ce que l’on voit: la voiture a heurté à vive allure un poteau de béton, s’est retournée et s’est embrasée. On constate ensuite que le « charmant aventurier » avait placé un tuyau de caoutchouc à l’échappement du véhicule et l’avait en bouche. Il était évanoui lorsque la voiture sans contrôle percuta le poteau et s’embrasa.
On spécula longtemps sur ce suicide aussi inhabituel que spectaculaire, Arlette s’effondra et se cloîtra deux longues années.
On peut s’étonner de la réaction violente d’Arlette à la mort de son mari, car en réalité ce mariage n’eut jamais la réputation d’être un mariage heureux, le couple était divorcé au moment du drame et Marcel de Sano vivait une liaison prolongée avec Jeanette MacDonald dont il défendait les intérêts en Europe. Arlette Marchal surmonta son chagrin, refit du cinéma et osa enfin tâter du théâtre, devenant une des plus allurales comédiennes de la scène française.
Arlette Marchal tournera jusqu’en 1950, jusqu’à « Sans Laisser d’adresse » de Jean-Paul Lechanois. Mais Arlette n’est plus la vedette éblouissante du film, c’est maintenant vers Danièle Delorme que vont les soupirs admiratifs. Elle se retire alors, et rassasiée de voyages et de cinéma, elle se lance avec passion dans une nouvelle carrière, la mode cette fois. Avec son chic et son allure, elle devient la passerelle de confiance des plus prestigieuses chaînes de magasins et choisit les modèles de la mode parisienne qui feront carrière en Amérique.
En 1976 elle est faite chevalier des arts et des lettres en même temps que Charles Vanel, Victor Francen et Marie Bell. C’est dire le prestige de son souvenir.
Le temps continuera pourtant son oeuvre, Arlette sera très affectée par la disparition de ses amis de toujours Françoise Rosay et Jacques Feyder avant qu’elle ne s’éteigne elle-même le 11 Février 1984 de sa belle mort et dans son cher Paris
CÉLINE COLASSIN
QUE VOIR?
1921: Mon P’tit.
1922: Sarati le Terrible: Avec Ginette Maddie et Henri Baudin
1923: La Dame au Ruban de Velours: Avec Charles de Rochefort
1923: La Cabane d’Amour: Avec Malcolm Todd
1923: Venezianische Libesadenteuer (La Rose Blanche): Avec Jack Mylong-Munz
1924: L’Image: Avec Suzy VErnon
1925: Madame Sans Gêne: Avec Gloria Swanson
1925: The Cat’s Pajamas (Les Pyjamas du Chat): Avec Betty Bronson et Ricardo Cortez
1926: Diplomacy: Avec Blanche Sweet et Neil Hamilton
1926: La Blonde or Brunette: Avec Adolphe Menjou et Greta Nissen
1927: A Gentleman of Paris (Valet de Cœur): Avec Adolphe Menjou
1925: La Châtelaine du Liban: Avec Ivan Petrovich et Gaston Modot
1928: Forlorn River (La Chasse à l’Homme) Avec Jack Holt
1928: La Femme rêvée: Avec Charles Vanel
1928: Die Frau von Gestern und Morgend: Avec Livio Pavanelli
1928: Die Dame Mit der Maske: Avec Vladimir Gaïdarov
1929: Figaro: Avec Marie Bell
1930: Boudoir Diplomat: Avec Tania Fédor et Ivan Petrovich
1932: Don Quichotte version française: Avec Fédor Chaliapine et Mireille Balin
1932: La Poule: Avec Michèle Alfa
1933: La Femme Idéale: Avec Marie Glory
1933: Le Petit Roi: Avec Robert Lynen
1933: Les Requins du Pétrole: Avec Raoul Aslan, Peter Lorre et Raymond Cordy
1934: L’Auberge du Petit Dragon: Avec Paulette Dubost et Albert Préjean.
1934: Marcia Nuziale: Avec Madeleine Renaud et Jean Marchat
1939: La Loi du Nord: Avec Michèle Morgan
1939: Entente Cordiale: Avec Gaby Morlay, Victor Francen, Pierre Richard Wilm, Junie Astor et Nita Raya.
1949: The Elusive Pimpernel (Le Chevalier de Londres): Avec Danielle Godet
1950: Sans Laisser d’Adresse: Avec Danièle Delorme et Bernard Blier.