Anita Page fut une star grandissime, une first lady MGM, elle fut pourtant bel et bien une éphémère du cinéma.
La star naquit sous le patronyme d’Anita Evelyn Pomarès le 4 Août 1910 à New-York. Elle s’éteindra à San Diego le 6 Septembre 2008. Elle venait de fêter ses 98 ans et après une retraite volontaire de plus de 60 ans, elle était revenue offrir sa vieille carcasse et son esprit toujours aussi vif à la convoitise du public et des caméras. Jetant sur son passé et sur ses contemporains qui n’étaient plus là pour se défendre, le trouble éclairage de « révélations scabreuses ». Lesquelles devaient sans doute plus à une rancune aussi tenace qu’à la soif de faire régner sur sa légende la claire réalité des faits.
On l’aura compris je n’aime pas Anita Page. Ou plus exactement, elle n’est pas mon idole.
Cette créature qui selon les canons de beauté de son époque était considérée comme un être fabuleusement bâti au visage d’ange, aux cheveux d’un blond doré naturel et aux longs cils de soie bordant son clair regard d’azur. Bref une petite blonde à l’œil torve et tombant, luttant avec abnégation et un frère coach sportif contre l’embonpoint qui se répartissait mal sur son mètre 50.
Le père d’Anita Page était originaire du Salvador et sa mère, Helen était déjà une actrice de renom. Lorsqu’on la vit affublée d’un aussi ravissant bambin gazouillant, on proposa à la vedette de faire de sa fille une nouvelle enfant star dont la mode se déchaînait furieusement. La bambine en question en frétilla d’aise dans ses dentelles mais sa maman refusa tout net ce qui glaça la précoce vocation! Sa fille ferait de dignes études et aurait une éducation on ne peut plus traditionnelle loin de feux de la rampe et de toutes les vanités de la gloire! Et ainsi fut fait.
Notre créature idyllique débuta à Broadway à l’âge adulte grâce à une amie comédienne, Betty Bronson à la beauté nettement plus pure mais au culot sans doute moins affirmé. Betty avait débuté au cinéma en 1923 et si ses premières apparitions filmées ne bouleversèrent pas cette jeune industrie, elle y avait acquit suffisamment d’influence pour inciter les studios à s’intéresser à sa chère amie restée sur les planches new-yorkaises. La jeune blonde passera donc presque simultanément un test pour Paramount et un test pour MGM. Son choix selon son alerte mémoire se porta sur ce dernier studio pour raisons artistiques. Ce qui pourrait à première vue sembler exact puisque la MGM n’a jamais été réputée pour la rutilance de ses cachets. Sans doute aussi parce que les étoiles de la firme au lion étaient…des brunes! Garbo, Shearer, Talmadge et la jeune Joan Crawford se disputaient alors le trône du studio.
La réalité nous oblige cependant à une légère rectification: Anita choisit Paramount, le studio de son amie Betty Bronson dans l’ombre de laquelle elle débuta aux écrans pour la première fois en 1925 dans « Un Baiser pour Cendrillon ». Betty étant la Cendrillon en question. Le studio Paramount se déclarant fort peu convaincu, au point de ne pas la citer au générique, Anita, un tantinet offusquée se dirigea vers MGM.
Son film MGM fit par contre un triomphe et son film suivant pulvérisa encore les records du précédent . Tout le monde se frotta les mains hormis Paramount. En quelques mois son fan mail fut le plus important du studio après celui de Greta Garbo et Anita se vanta plus tard d’avoir répondu elle-même à chacune de ces millions de lettres! Malgré ce colossal devoir épistolaire, Anita Page tourna beaucoup et vit arriver l’ère du cinéma parlant avec une exaltation mal dissimulée. Non que les innovations techniques la mirent particulièrement en joie, mais bien parce que comme tout le monde chez MGM, elle était persuadée que le micro sonnerait le glas de la carrière de Greta Garbo à la douce voix de camionneur.
Il n’en fut rien comme on le sait, mais si la MGM fit parler Garbo pour la première fois dans un film le moins cher possible puisque voué à l’échec, le studio mit les petits plats dans les grands pour les débuts sonores d’Anita qui poussa le professionnalisme jusqu’à gazouiller dans cet étrange objet qu’était le micro 1929. Le film fut un succès, la chanson d’Anita un triomphe. Anita Page est bel et bien une diva des écrans à l’avènement des années 30. Elle vit une aimable liaison avec Clark Gable et se marre bien des demandes en mariage de Benito Mussolini qui l’idolâtre au plus haut point.
En 1933 cependant, son contrat étant arrivé à son terme, Anita Page refuse de le reconduire, à quelques conditions que ce soit et abandonne définitivement Hollywood, ses films et ses fastes. Les lettres désespérées de fans arrivèrent par containers entiers mais rien ne fit changer la diva d’avis. Elle convola l’année suivante avec Nacio Herb Brown, un compositeur qui avait eu l’indélicatesse de ne pas lui dire qu’il était déjà marié.
Elle épousera ensuite un officier de la Navy en 1937 et ils resteront unis jusqu’en 1991, date à laquelle Hershell A. House la laisse veuve. Le couple avait deux filles, Linda et Sandra, cette dernière ayant précédé son illustre maman dans la mort.
Et puis, subitement, en 1996, Anita Page, une nouvelle fois piquée par une mouche étrange réapparut dans la vie publique. Elle tourna quelques films d’horreurs avec une autre revenante (c’est le cas de le dire) Margaret O’Brian. Ils furent si mauvais que le réalisateur n’eut pas le courage de tous les terminer et ceux qui le furent ne trouvèrent personne d’assez suicidaire pour les distribuer.
Flanquée d’une perruque que n’aurait pas désavouée Dolly la brebis clone, Anita se pavana à la première théâtrale de « Sunset Boulevard » où Glenn Close reprenait le personnage de Norma Desmond immortalisé à jamais par Gloria Swanson et répandit son fiel sur ses anciens employeurs et ses vieilles copines.
Si elle avait autrefois abandonné le cinéma, c’est parce que voyez-vous, tout le monde à la MGM la harcelait sexuellement, d’Irving Thalberg à Louis B. Mayer, personne ne lui laissait le moindre répit. Jusqu’à Joan Crawford avec qui elle avait tourné trois films qui passait les temps de pause à tenter de la violer avec une de ces brutalités! Les autres studios ne voulaient d’elle qu’à la condition qu’elle vint signer son contrat nue et rampante, elle préféra sauver sa vertu et fuir à San Diego (Vivre en invitée dans un château appartenant à Randolph Hearst le magnat de la presse).
Que les bureaux des producteurs soient truffés de canapés accueillants et plus ou moins obligatoires, pourquoi pas. Que d’obscures starlettes aient payé de leur personne leurs débuts tout aussi obscurs, pourquoi pas encore.
Mais que des entreprises se privent d’une source de revenus essentielle pour de bas motifs de galipettes refusées c’est une couleuvre que l’on ne me fera pas avaler, elle ressemble trop à un boa constrictor.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1925: A Kiss for Cinderella: Avec Betty Bronson
1928: While the city Sleeps: Avec Lon Chaney
1928: Telling the World: Avec William Haines
1929: Navy Blues: Avec William Haines
1929: The Broadway Melody: Avec Bessie Love et Charles King
1929: Our Modern Maidens: Avec Joan Crawford, Douglas Fairbanks jr. et Rod la Roque
1930: Our Blushing Brides: Avec Joan Crawford et Robert Montgomery
1930: War Nurse: Avec Robert Montgomery
1930: Free and Easy: Avec Buster Keaton
1930: Caught Short: Avec Marie Dressler et Polly Moran
1931: Sidewalks of New-York: Avec Buster Keaton
1932: Are You Listening?: Avec William Haines
1932: Skyscraper Soul: Avec Maureen O’Sullivan et Warren Williams
1933: The Big Cage: Avec Andy Devine, Mickey Rooney et Clyde Beatty
2002: The Crawling Brain (Directement parachuté dans le circuit video): Avec Athena Demos.