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Anne Bourguignon naît le 9 Août 1950 à Paris dans une famille de la bourgeoisie aisée et dès son apparition, son papa sera éperdu d’admiration pour elle. La petite Anne est élevée comme une merveilleuse princesse d’une beauté surnaturelle. Lorsqu’elle commence à rôder dans le Saint Germain des artistes elle est toujours fermement persuadée d’être une sublimissime créature de rêve. Il ne lui viendrait pas à l’idée que d’autres puissent la trouver laide, étrange ou…drôle ! Pourtant, sa mère, clairement plus terre à terre le lui avait bien dit: Ta soeur a de l’humour, mais toi tu es comique! »

Étrange elle l’a toujours été. Flanquée d’un grand oncle sociétaire au Français, elle le voit sur scène et s’entiche des textes classiques. Un jour que l’artiste déjeune chez elle, elle a 7 ans, elle se plante devant lui mains aux hanches et se plaint vertement de l’interprétation « molle et sans passion » d’une comédienne du Français dans un Molière. Pour elle il n’y a pas de doute, elle aurait mieux fait!

Elle fera ses débuts dans un moyen court métrage: « Anémone » et adoptera ce pseudonyme pour sa nouvelle carrière de jolie fleur fraîche des écrans dont elle ne doute pas. Anémone est à l’heure de ce fameux court métrage une hippie qui chipe les dentelles anciennes de sa mémé pour les teindre en fuchsia ou en vert fluo, choquant les passant avec son joint collé au bec. Accoutrée comme le sera plus tard Madonna, elle prend quelques cours chez René Simon mais préfère faire l’andouille avec ses nouveaux copains Jean-Pierre Kalfon et Pierre Clémenti. Le théâtre, le cinéma, bien sûr ça l’intéresse. Mais ce qui l’intéresse surtout se sont les belles robes. Les paniers, les traînes, les crinolines. Papa lui avait tellement dit qu’elle était une princesse qu’elle fut proprement sidérée en découvrant qu’il n’y avait plus de roi de France et qu’elle ne serait donc jamais reine!

Lorsque la jeune demoiselle s’apercevra que son physique a vraiment des côtés plus burlesques que glamoureux, le choc sera rude. Elle ne s’y attendait pas du tout. Pour elle le monde va s’écrouler et avec lui la confiance aveugle qu’elle avait toujours accordée à son père. Pourquoi lui a t’il dit tous les jours de sa vie qu’elle était un diamant pur, un scandale de beauté si c’était faux?

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Bien sûr qu’elle fera rire au café théâtre lorsqu’elle déclarera « Vous avez vu ma tête? C’est celle d’une chèvre » Mais chaque rire lui déchire l’âme et le cœur.

Blessée, Anémone va s’enfermer chez elle, cloîtrée, redoutant de sortir et ne se nourrissant plus que des conserves que lui ramène sa concierge! Cette période sera suffisamment longue pour que la jeune femme attrape le scorbut comme les marins privés de vitamines au temps des gaillons pirates et de Moby Dick! Blessée toujours, elle partira pour Reims y suivre les cours de comédie qu’y dispense Robert Hossein puis reviendra sur Paris et faute d’engagements, y ouvrira un café théâtre avec des « potes » de l’époque dont Gérard Lanvin. De son passage chez Hossein elle commentera « je ne savais rien faire ni me tenir ni articuler, je tapais des pieds et quand je m’exprimais on aurait cru que j’avais une crise de hoquet! »

Anémone galère. Après Hossein ce sont des stages et le chômage. Le cinéma n’attendait pas sa « tête de chèvre », ni le cinéma ni personne. Celle qui se croyait princesse s’aigrit à force de minuscules rôles, des apparitions, et encore, à peine. « J’en ai marre de faire des grimaces dans des films à la con ». Elle avait surgi en scène dans un Molière, « Le Bourgeois gentilhomme ». Elle accepte pour la robe mais elle joue Nicole, une petite boniche. Elle devra attendre pour jouer les élégantes richement parée le bon vouloir de Coluche qui pour « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine » lui loue la robe que Faye Dunaway portait dans « Les trois mousquetaires »

Ce sera l’époque des grandes rencontres et celle de l’équipe du Splendid était presque inévitable. Anémone en deviendra une copine « satellite », comme Dominique Lavanant, sans jamais intégrer réellement la troupe.

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L’actrice accepte enfin l’idée de ne pas être une créature éblouissante et joue de son physique ingrat, du moins en apparence. Alors même qu’elle fait un triomphe avec son immortelle « Thérèse » du « Père Noël est une Ordure », elle déclare à la presse: « Ce sont les autres qui disent que je suis laide, je ne suis pas encore décidée à les croire!« . C’était la première fois qu’on lui proposait de créer complètement un personnage. Les mocassins , les bas varices, la jupe à carreaux et le serre-tête c’est elle. Pour être juste dans ses attitudes elle fréquente avec assiduité une de ses tantes restée vierge très longtemps après l’âge. Elle intégré tellement cette silhouette « calcifiée » qu’elle devra suivre des cours de danse pour s’en débarrasser.

Pour clore le bec et ouvrir les yeux à ces médisants, elle pose nue pour le magazine « Photo » et se lance dans l’écriture et la production d’un film, où elle sera, qui l’eût cru, une belle princesse en robe de sirène. Ce sera « Le Mariage du Siècle », naufrage filmé par son compagnon Philippe Galland.

A l’avènement des années 80, Anémone et sa Thérèse éternelle avaient littéralement explosé! Douze films en trois ans entre 1980 et 1983! Douze succès qui font d’elle la chérie du public français.

Anémone ne sera jamais, me semble-il, une comédienne heureuse et épanouie, elle ne sera jamais en paix avec ce physique qui incite au rire, elle se sentira toujours bien plus heureuses dans des rôles de femmes charmantes et maladroites que dans des rôles de laiderons godiches. Elle déteste son image, elle déteste que tous les gens qui la croisent lui disent l’air rigolard « Je ne vous jette pas la pierre, Pierre ». Elle déclare « J’en ai marre de servir la soupe, de jouer les godiches et les imbéciles! »

En 1984, Michel Deville lui offre le rôle qu’elle attendait. Celui d’une boiteuse dans « Péril en la demeure » Nommée aux Césars, Anémone se fend d’un courrier à Georges Cravenne et le fait suivre dans toute la presse « Et pourquoi on ne me demande pas mon avis avant de m’empoisonner la vie avec toutes ces conneries? » Bernadette Lafont fera moins la difficile et raflera la mise pour « L’Effrontée ».

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Anémone malgré le succès et la popularité ne digère pas son emploi, elle ne digère pas ses années de galère et de porte à porte. Elle s’en prend vertement à la profession toute entière « Je ne vois pas de différence entre le festival de Cannes et la foire agricole! » Le monde du cinéma s’affole, le public croyant à de l’humour rit de bon cœur mais plus pour très longtemps. Elle-même avouera: « On ne me proposait plus rien mais comme j’avais traité tout le monde de porcs, d’immondices et d’enculés, c’était normal! »

Anémone en profite pour faire deux enfants, Jacob et Lily. Elle rejette son succès et son image. Elle refuse la flopée de comédies qu’on lui propose n’accepte plus rien de la bande du Splendid. Finalement, comme elle avait connu le succès au théâtre avec « L’Education de Rita », elle choisit d’y revenir pour y jouer des classiques. Du Feydeau, du Musset. Mais aucun théâtre n’y croit. Alors elle s’acharne. Elle devra s’occuper de la mise en scène, coudre les costumes et…Vider son compte en banque.

C’est en cambrousarde revêche qu’elle décroche le César de la meilleure actrice en 1986 pour « Le Grand Chemin » où elle fut, il faut bien le reconnaître, tout à fait magistrale et bouleversante. Elle viendra chercher sa statuette en déclarant qu’elle le fait par amitié pour Georges Cravenne mais que personnellement elle s’en fiche et déteste ce « genre de trucs ». Après avoir donné le nom de la styliste qui l’habille pour l’occasion, elle part sans emmener « la chose »!

Elle déclare dans son style habituel: « Je ne dois rien à personne sauf au public. Les industriels, les médias, les publicitaires je les emmerde, je n’en ai rien à fiche de ces mascarades et de ces promotions forcées! »  Elle était venue complètement ivre promouvoir son « Mariage du siècle » à la télévision. Puis elle ajoute: « Le show-business prend beaucoup et rend peu! Heureusement que je ne suis pas dépressive, je me serais flinguée! mais jusqu’à nouvel ordre, je suis propriétaire de mon image et je mène ma carrière comme je veux!

Du coup elle disparaîtra de la circulation! Elle était partie au Népal fabriquer des robes de chambres brodées avec une poignée de copines

Elle avait encore trouvé un rôle comme elles les aimait sous la direction de Christine Pascal dans « Le petit Prince a dit » où elle est une comédienne fantasque et sans grand succès, ex femme de Richard Berry et confrontée à la mort prochaine de sa petite fille. Peut-être que si d’autres cinéastes avaient emboîté le pas à Christine Pascal montrant une Anémone dissociée de son physique et pour sa seule présence, les choses auraient été différentes. « Poisson lune » sur lequel elle comptait beaucoup et où elle avait su être magistrale et tragique passa relativement inaperçu. Mais Anémone pour le cinéma français ce sera toujours une sorte de Marilyn à l’envers. Une actrice dont la carrière s’est capitalisée sur l’image. Romain Goupil pour son troisième film lui offre le rôle titre de « Maman ». Anémone s’y montre sensationnelle avec une palette de jeu infinie. Oui, Anémone est une grande.

Personnellement, je ne suis pas une fan de madame Anémone, je trouve ses personnages moyennement drôles et monolithiques, n’évoluant jamais au cours du film, comme ils sont arrivés ils repartent. Avec le temps qui passe, Anémone aborde la soixantaine, l’actrice semble avoir perdu sa fragilité qui la rendait parfois touchante comme dans « Le Quart d’Heure Américain » au profit d’une agressivité qui ne fait rire personne et à mon avis surtout pas elle comme dans « Ma Femme s’appelle Maurice ».

De plus en plus difficile sur les plateaux, elle finit par être surnommée « le cactus ». Toujours sur ses gardes comme si on allait la trahir, la voler, la déposséder, la moquer. Elle fait de la contradiction sa marque de fabrique comme si tout ce qui était dit tout ce qui était fait l’était contre elle, pour étouffer sa personnalité, ses envies, son talent, ses exigences. « Oui, je suis une hystérique! Mais une hystérique de l’indépendance! Je ne veux pas qu’on me manipule, je refuse que l’on me commande! » Mais être actrice c’est un métier où on se fait diriger.

Personne ne trouve grâce, personne n’a droit à un mot gentil. Même de son fils elle dit « Il ne s’intéresse qu’aux jeux vidéos, au pognon et aux nichons de Cindy Crawford! » De sa fille elle répète ces mots  » Tu n’as pas peur, maman que les gens se lassent si on te voit trop dans un film? »

Dommage que cette femme n’ait pas surmonté un physique avec lequel elle était en désaccord comme le firent Josiane Balasko, Serge Gainsbourg, Bourvil , Louis de Funès ou Fernandel.

Sa performance dans « Le Père Noël est une Ordure » a étiqueté à jamais cette comédienne dans des rôles qui, probablement a t’elle raison, ne sont pas faits pour elle.

Cette fervente chasseuse, paradoxalement grande défenderesse de la nature qui a baptisé son chien « Turlute » espérait  d’autres « Périls en la Demeure », d’autres « grands chemins », d’autres « Petits Princes » . Mais lassée d’attendre , elle finit par tenir la promesse faite d’un ton sec et sans appel, j’en ai raz le bol, je prends ma retraite!

Promesse à laquelle personne n’avait cru mais qui masquait d’une dernière crânerie la cruelle vérité. Celle de la maladie qui allait l’emporter. On apprenait par son agent son décès le 30 avril 2019. Elle n’avait que 68 ans et partait en éclaireuse voir « de l’autre côté » ce qui attendait sa bande de potes.

Celine Colassin

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QUE VOIR?

1968: Anémone: DE et avec Philippe Garrel

1972: Je, Tu, Elles: Avec Jacqueline Coué et Bernadette Lafont

1975: L’Incorrigible: Avec Jean-Paul Belmondo, Geneviève Bujold, Capucine et Catherine Alric.

1976: Le Couple Témoin: Avec André Dussolier

1976: Cours après moi que je t’attrape: Avec Annie Girardot et Philippe Noiret

1976: L’ordinateur des Pompes Funèbres: Avec Claude Piéplu et Jean-Louis Trintignant

1976: Un Éléphant ça Trompe énormément: Avec Jean Rochefort.

1978: Sale Rêveur:Avec Jacques Dutronc et Léa Massari

1978: Vas-y Maman: Avec Annie Girardot, Pierre Mondy et Nicole Calfan

1980: Je Vais Craquer: Avec Christian Clavier et Nathalie Baye

1980: Une Merveilleuse Journée: Avec Michel Galabru

1980: Certaines Nouvelles: Avec Micheline Presle, Bernadette Lafont et Caroline Cellier

1981: La Gueule du Loup: Avec Miou-Miou et Paul Crauchet

1982: Le Quart d’Heure Américain: Avec Gérard Jugnot

1985: Péril en la Demeure: Avec Christophe Malavoy et Nicole Garcia

1985: Les Nanas: Avec Marie-France Pisier, Dominique Lavanant et Clémentine Célarié

1986: I Love You: Avec Christophe Lambert

1986: Le Grand Chemin: Avec Richard Bohringer

1987: Poule et Frites: De et avec Luis Rego

1988: Sans peur et sans reproche: Avec Gérard Jugnot et Victoria Abril

1989: Les Baisers de Secours: Avec Brigitte Sy et Philippe Garrel

1990: Maman: Avec Arthur H.

1992: Le Petit Prince a dit: Avec Richard Berry

1992: La Belle Histoire: Avec Béatrice Dalle et Marie Sophie L

1993: Poisson lune: Avec Robin Renucci

1994: Pas très Catholique: Avec Michel Roux, Christine Boisson et Micheline Presle

1994: Aux petits bonheurs: Avec André Dussolier, Michèle Laroque et Nicole Garcia

1996: L’Echappée Belle: Avec Jean-Marc Barr

1996: Les Bidochon: Avec Martin Lamotte

1996: Le Cri de la Soie: Avec Marie Trintignant

1997: Marquise: Avec Sophie Marceau

1999: L’homme de ma vie: Avec Marianne Denicourt et Claire Maurier

2001: Voyance et Manigance: Avec Emmanuelle Béart

2002: Ma Femme s’Appelle Maurice: Avec Martin Lamotte

2004: C’est Pas Moi c’est l’Autre: Avec Roy Dupuis

2009: Le Petit Nicolas: Avec Valérie Lemercier

2010: Pauline et François: Avec Laura Smet et Yannick Renier

2010 : Les Amours secrètes : Avec Richard Bohringer

2012: Bocuse: Court métrage avec Elise Larnicol

2013: Como Quien No Quiere La Cosa: Avec Celine Aguirre

2014: Le grimoire d’Arkandias: Avec Christian Clavier et Isabelle Nanty

2015: Le Grand Partage: Avec Didier Bourdon et Karin Viard

2015: Je suis à vous tout de suite: Avec Agnès Jaoui

 

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