andrea ferreol

Dans les années 70, le règne des grands seconds rôles qui faisaient tout le suc du cinéma français est bel et bien terminé. Si certains survivent encore, plus personne ne remplace ceux qui sont partis. Les nouvelles actrices ne sont plus des caractères, elles sont des physiques. C’est qu’il faut d’abord et avant tout beaucoup se montrer nue et donc être délicatement mince avec la poitrine haute et bien faite. Les autres considérations comme le talent on verra ça plus tard. L’essentiel d’abord!

Une seule actrice dans cette mouvance va se faire un nom et connaître une authentique popularité sans correspondre le moins du monde aux nouveaux canons infligés par l’industrie du film. Madame Andréa Ferréol.

Madame Ferréol à la crinière rousse, au parlé franc et à la surcharge pondérale évidente va faire la nique à toute une génération de cinéastes esthétisants. Mieux encore. Elle va faire de ses prétendus défauts de véritables atouts maîtres et devenir une véritable icône. Ne détestant d’ailleurs pas dévoiler ses charmes de qualité supérieure avec aplomb et gourmandise. Andréa Ferréol devient la muse de quelques grands, tourne des rôles d’anthologie. Elle est à elle seule une bouffée bienfaisante d’humanité et de franchise dans un cinéma dont on retiendra finalement bien peu de choses. Mais dans ce peu de chose, restera l’Andréa Ferréol de « La Grande Bouffe », du « Trio Infernal », des « Galettes de Pont Aven », de » Servante et maîtresse ».

ANDREA-FERREOL-SERVANTE-ET-MAITRESSE

Et bien sûr l’Andréa Ferréol divinisée par la télévision avec son rôle d’épicière odieuse dans « Au Bon Beurre »

Andréa Ferréol vient au monde le 5 Janvier 1947 à Aix en Provence. Jeune fille, Andréa Ferréol se destine aux Beaux-Arts puis change d’avis et « monte à Paris » étudier l’art dramatique.

Elle a déjà un bon exemple à suivre puisque son oncle n’était autre que Fernand Charpin. Fernand Charpin, décédé en 1944, trois ans avant la naissance d’Andrea n’est peut-être plus aujourd’hui le nom le plus connu du cinéma. Il est sans doute plus inoubliable sous le nom de personnage phare: Monsieur Panisse dans la trilogie de Pagnol Marius, Fanny, César.

La légende voudrait qu’hésitant entre deux carrières, entre les planches et les pinceaux, Andréa soit revenue à Aix pour des vacances et se soit retrouvée sur un tournage de Claude Chabrol qui avait installé ses caméras cours Mirabeau pour y filmer Belmondo.

Andréa connaîtra les difficiles débuts des comédiennes de sa génération qui de plus est ne correspondant pas du tout aux « critères » de l’époque comme on l’a vu. Ce sera le café théâtre, le théâtre, où elle débuta dans « Le cocu imaginaire ». Andréa Ferréol a près de 25 ans lorsqu’on la découvre, encore figurante au cinéma ou dans des petits rôles à la télévision. 25 ans c’est très tard. Presque trop pour commencer une carrière quand on n’est pas Catherine Deneuve ou Ursula Andress. Mais il était dit que les règles les mieux étables ne s’appliqueraient jamais à Andréa. Trois ans plus tard, avec « La Grande Bouffe » elle déclenche un scandale comme on n’en avait plus vu depuis 1956 avec Brigitte Bardot dans « Et Dieu créa la Femme ».

Elle avait reçu le scénario qu’elle trouvait incroyablement scabreux. Mais c’était le premier rôle féminin dans un film de Marco Ferreri avec non pas un premier rôle masculin mais quatre! Philippe Noiret, Marcello Mastroianni, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi. Alors elle dit « oui ». Il lui faudrait grossir, elle dit encore oui. Andréa prétendre longtemps avoir pris vingt kilos pour tourner le film. Mais ses photos d’avant ne la montre guère follement plus mince et sur une femme de sa taille, vingt kilos supplémentaires ça ferait d’elle, me semble-il, une citerne. Mais qu’importe.

andrea ferreol michel piccoli

La France est outrée! le public manque de mettre le feu au palais des festivals de Cannes! Le film est un scandale malgré un prix remporté. Andréa qui s’imaginait, pourquoi pas, avoir un prix d’interprétation est sidérée. Sidérée par la réaction du public d’autant que le résultat final n’est plus qu’une pâle bluette édulcorée en regard du scénario original.

Seul le père d’Andréa félicite sa fille dont on utilise les plantureuses fesses dans le film pour mouler une pâte à tarte. Durant des mois, voir des années, elle le racontera elle-même, on lui interdira la porte de certains restaurants et dans d’autres des dîneurs quitteront les lieux quand elle y entrera. La France est donc scandalisée. Andréa n’est pas mince mais elle sent le souffre!

Elle aura cette réflexion  après qu’un dineur à légion d’honneur ait quitté un restaurant où elle déjeunait avec une amie, outragé de ce qu’il avait vu au cinéma: « C’est ridicule! On sait ce qu’on va voir au cinéma. Si je vais voir Blanche-Neige et que je sors de la projection outragée parce que c’est un dessin animé, c’est ridicule, nous sommes d’accord! Bin là c’est pareil!« 

Elle en profite pour surfer sur la vague du scandale et aller se faire dissoudre à l’acide sur le plateau du « Trio Infernal »!

charles-vanel et andrea ferreol

Le film encore à l’affiche, Andréa compte bien d’abord maigrir et surfer sur la vague de notoriété qu’il lui a amenée. Ca tombe bien, les scénarii pleuvent. Elle sait qu’elle n’a pas droit à l’erreur. Elle va en commettre une en choisissant « Servante et maîtresse ». Le scénario était intéressant, le rôle aussi. Mais ce huis-clos entre dominant et dominé souffre d’une erreur de casting. Victor Lanoux, formidable acteur au demeurant n’est pas l’acteur qui convient au film. La charge érotique du film est lourde et personne n’est plus étranger au film érotique que Victor Lanoux à part peut-être Noël-Noël! Le public n’a pas cru en la promesse et le nom d’Andrea Ferréol n’est pas encore suffisant pour porter un film.

Elle s’en retourne au théâtre pour un spectacle qui l’enchante  » Princesse Turandot ». Andréa chante l’opéra en play-back entourée de dix-huit nains. Cette fois encore, le scandale et le succès vont de pair.  Andréa aura des propos tout à fait anodins à l’époque, nous sommes en 1974, mais qui lui vaudraient les foudres bien pensantes aujourd’hui. « Tous les nains n’étaient pas des acteurs même si certains avaient fait de petites choses au cinéma ou à la télévision. mais à peu près tous les nains ont travaillé dans des cirques, on s’est servis de ce qu’on leur avait appris à faire là ».

princesse turandot andrea ferreol

Quand elle aura cinq minutes elle posera un peu nue et clamera partout qu’elle adore ses formes et que les messieurs d’ailleurs le lui rendent bien. Ce dont personne ne doute un instant.

« La Grande Bouffe » aura eu cet autre effet foudroyant que de faire d’elle une star instantanée du cinéma transalpin. L’actrice va donc littéralement traverser la décennie cinématographique comme une flamboyante comète rousse et ronde. Elle se partage entre Rome et Paris avec une régularité de métronome. Un métronome qui ne s’arrête jamais.

Paradoxalement elle finira par en avoir marre qu’on lui parle de « La grande bouffe » à chaque occasion « Foutez-moi la paix avec ce film j’en avais fait d’autres avant, j’en ai fait d’autres après je ne suis pas que la grosse de la grande bouffe. Je suis une actrice, je suis une femme, je suis un être humain. »

En 1978, c’est l’Allemagne qui fait appel à elle pour « Despair ». Un film de Fassbinder s’il vous plaît! On n’est pas là pour tourner la suite des « Mémoires de la vache Yolande ». Loin d’être impressionnée, Andréa, blonde platine pour la cause raffole de son personnage. « Lydia est chaleureuse, généreuse et sans la moindre lueur d’intelligence. Avoir un mari qu’elle adore et qu’elle admire ne l’empêche pas d’avoir un amant et ça ne lui cause aucun souci d’aucune sorte. C’st un régal à jouer. Elle accepte pour la joie et  la fierté de tourner avec son idole Dirk Bogarde. Un rôle à la Jean Harlow pour lequel elle a menti effrontément. A la question « Do you speak English », elle a répondu « Yes of course » alors qu’elle ne pipe pas un traître mot. Elle ne s’est même pas démontée quand on lui a dit qu’elle ne serait pas doublée. Elle a huit semaines pour apprendre l’anglais à raison de six heures par jour sept jour sur sept…Et réussir son pari.

andrea ferreol

Du cinéma d’auteur qui scandalise son bourgeois elle passe avec une allégresse évidente aux films populaires menés par Belmondo, Delon Pierre Richard ou même Bud Spencer, pourquoi pas? Le temps de la croire assagie elle redevenait scandaleuse. Et pour ceux qui ne vont guère au cinéma elle est à la télévision telle une authentique boulimique de tournages. Elle entre dans la légende du petit écran avec son immonde épicière affameuse et collaborationniste de « Au bon Beurre » Une pièce d’anthologie passée du petit commerce à la légende!

Elle traversera les années 80 sur la même lancée, arrête-on une comète?

Avec une désinvolture qui friserait la provocation chez n’importe quelle autre, elle joue les gentilles toquées dans des comédies sans prétention puis s’en va servir de grands auteurs aussi simplement qu’elle irait se chercher un cornet de frites. Le temps a fait d’elle une incontournable du paysage artistique, que l’on soit au cinéma à la télévision ou au théâtre. Elle est de ces actrices rares qui sont aimées et reconnues au premier coup d’œil par plusieurs générations et il en va de même avec les réalisateur qui la sollicitent!

marielle et ferreol

Bien sûr le temps passe, l’an 2000 n’est plus qu’un très lointain souvenir mais Andréa Ferréol n’en a pas ralenti ses activités pour autant.

On ne lui connaît que deux coquetteries: Le silence qu’elle fait farouchement régner sur sa vie privée d’éternelle célibataire et sa collection de lunettes de théâtre qu’elle a créées, remettant cet objet désuet au goût du jour avec tous les jolis gestes qui l’accompagnent. Si Andréa taisait farouchement sa vie privée, quitte à laisser traîner quelques rumeurs dont elle se fichait éperdument, c’est parce qu’il y avait bien un homme dans sa vie. Un homme bien plus célèbre qu’elle. Un légendaire « homme à femmes » qui n’était pourtant qu’à Andréa trente ans durant…Un certain monsieur Omar Sharif. Andréa ne réussit jamaisà tempérer son don Juan des casionos. C’est la maladie qui se chargera de lui faire oublier ses martingales avant ses films et puis son nom…

omar sharif et andrea ferreol

Omar Sharif laise Andréa veuve de sa passion le 10 juillet 2015.

L’actrice qui a fait de ses hanches trop larges et de sa chevelure trop rousse des marques de fabrique a trouvé dans la vue qui baisse avec l’âge de nouvelles élégances!

Bravo madame! Et Merci!

Celine Colassin

andrea ferreol

QUE VOIR?

1971: Laisse aller…C’est une Valse: Avec Mireille Darc et Jean Yanne

1972: La Scoumoune: Avec Claudia Cardinale et Jean-Paul Belmondo

1973: Elle Court, Elle Court la Banlieue: Avec Marthe Keller et Jacques Higelin

1973: Les gants blancs du diable: Avec Bernadette Lafont Jean-Pierre Kalfon

1973: La Raison du Plus Fou: Avec Alice Sapritch, Raymond Devos et Jean Carmet

1973: The Day of the Jackal: Avec Edward Fox et Michel Auclair

1973: La Grande Bouffe: Avec Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Philippe Noiret et Marcello Mastroianni

1974: Donna è Bello: Avec Joe Dallesandro

1974: Le Trio Infernal: Avec Romy Schneider et Michel Piccoli

1975: L’Incorrigible: Avec Jean-Paul Belmondo

1975: I Baroni avec Rena Niehaus et Jacques Weber

1975: Sérieux comme le Plaisir: Avec Jane Birkin

1975: Les Galettes de Pont Aven: Avec Jean-Pierre Marielle

1975: Parlez-moi d’amour: Avec Nathalie Roussel et Louis Julien

1976: Il Soldato di Ventura: Avec Bud Spencer

1976: Marie Poupée: Avec Jeanne Goupil et André Dussolier

1977: Servante et Maîtresse: Avec Victor Lanoux

1977: Casanova &Co. Avec Tony Curtis

1978: Despair: Avec Dirk Bogarde

1978: L’Amant de Poche: Avec Mimsy Farmer et Madeleine Robinson

1979: Viaggio con Anita: Avec Goldie Hawn et Claudine Auger

1979: Improvviso: Avec Valeria Moriconi

1980: Dimmi Che fai tutto per me: Avec Pamela Villoresi et Johnny Dorelli

1980: L’Empreinte des Géants: Avec Zoé Chauveau et Serge Reggiani

1980: Retour à Marseille: Avec Raf Vallone

1980: Le Dernier Métro: Avec Catherine Deneuve et Gérard Depardieu

1981: L’Ombre Rouge: Avec Nathalie Baye et Claude Brasseur

1982: Y’a-il un François dans la Salle? Avec Jacqueline Maillan et Victor Lanoux

1982: La Nuit de Varenne: Avec Hanna Schygulla et Jean-Louis Barrault

1982: La Ragazza di Trieste: Avec Ornella Muti et Mimsy Farmer

1983: Le Battant: Avec Anne Parrilaud et Alain Delon

1983: Le Prix du Danger: Avec Marie-France Pisier, Gérard Lanvin et Michel Piccoli

1984: Le Jumeau: Avec Pierre Richard

1984: Aldo et Junior: Avec Aldo Maccione

1987: Noyade Interdite: Avec Elizabeth Bourgine et Guy Marchand

1990: Il Maestro: Avec Malcom McDowell et Charles Aznavour

1990: Wings of Fame: Avec Marie Trintignant et Peter O’Toole

1992: Hors Saison: Avec Ingrid Caven et Sami Frey

1993: Le fil de l’horizon: Avec Claude Brasseur

1995: Les cent et une nuits de Simon Cinéma: Avec Michel Piccoli

1996: La Vida Privata: Avec Carme Elias

1996:  ’El Chicko’ – der Verdacht : Avec Fritz Karl et Eva Herzig

1998: Hans Eppendorfer: Suche nach Leben: Avec Josef Bierbiechler

1999: Astérix et Obélix contre César: Avec Gérard Depardieu et Christian Clavier

1999: Une Pour Toutes: Avec Anne Parillaud et Jean-Pierre Marielle

2000: Le Conte du Ventre Plein: Avec Jacques Boudet

2001: L’Amour en Suspens: Avec Inge Paulussen et Marc Duret

2001: La Boîte: Avec Armelle Deutsch et Jean-Marie Bigard

2004: Le Cadeau d’Elena: Avec Vahina Giocante et Michel Duchaussoy

2004: Le P’tit Curieux: Avec Alain Baschung

2004: Madame Edouard: Avec Josiane Balasko, Annie Cordy et Dominique Lavanant

2005:  Les Etats-Unis d’Albert: Avec Emilie Dequenne, Céline Bonnier et Eric Bruneau

2007: Ma Vie n’est pas une Comédie Romantique: Avec Marie Gillain et Gilles Lellouche

2008: Dirty Money L’Infiltré: Avec Antoine Basler

2008: Ça se soigne?: Avec Thierry Lhermitte et Julie Ferrier

2012: Shakki: Court métrage avec Daphné Guinness et Laura Eastwood

2016: Saint Amour: Avec Chiara Mastroianni, Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde

2017: Knock: Avec Omar Sy et Ana Girardot

2017: L’échange des princesses: Avec Olivier Gourmet

2018: Emma Peeters: Avec Mona Chokri

2019: Just a Gigolo: Avec Kad Merad et Anny Duperey

2020: Envol: Avec Marc Duret et Bruno Putzulu

 

 

 

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