alexandra stewart

Alexandra Stewart est un des rares mystères vivants du cinéma.

Née à Montréal au Québec le 10 Juin 1939, elle débarque à Paris pour y étudier les beaux-arts.

Un an plus tôt, une certaine Jane Fonda a fait exactement la même chose. Mais Jane préféra, de très loin, les bistrots enfumés du Boul’mich aux inconfortables bancs de l’université…Jusqu’à se faire rapatrier manu militari par papa Henri.

Alexandra, elle, se plaît en France. Cette très jolie demoiselle fera comme de bien entendu les « petits boulots » ouverts aux jeunes en ce milieu des années cinquante. Elle sera, comment aurait-il pu en être autrement avec une telle beauté mannequin.

Même si sa petite taille aurait dû lui fermer les portes au nez et puis aussi, bien sûr, figurante au cinéma.

alexandra stewart

Dès 1956 elle croise Dany Carrel et Nicole Courcel sur le plateau de « Club de Femmes », deux des plus grandes vedettes populaires françaises de l’époque.

Mais si la mode s’entiche d’Alexandra jusqu’à lui ouvrir les pages de papier glacé du très prestigieux VOGUE, le cinéma des années 50 n’est pas encore prêt pour ce genre de physique racé et sportif. Alexandra la figurante croise ensuite Jeanne Moreau et Gérard Philipe sur le plateau des « Liaisons dangereuses » de Vadim et préfigure les canons de beauté de la décennie suivante. Bientôt le public boudera les rondeurs platinées hollywoodiennes à la sauce Lana Turner, Jayne Mansfield et bien sûr Marilyn Monroe pour les belles aux cheveux fous que seront Ursula Andress, Jacqueline Bisset, Raquel Welch et bien sûr Brigitte Bardot.

Alexandra Stewart est tout à fait dans le nouvel air du temps. Poitrine plus menue, beauté plus sportive et plus chic, la féminité exacerbée par une chevelure de sirène disciplinée. Elle est dans la lignée parfaite d’une Françoise Fabian, d’une Françoise Dorléac, d’une Catherine Deneuve, d’une Candice Bergen, d’une Jacqueline Bisset qui sera d’ailleurs sa principale concurrente.

Malgré ces incontestables atouts, Alexandra Stewart ne chamboule pas le monde du cinéma avec autant d’efficacité que le monde de la mode où elle est une petite égérie.

alexandra stewart

Apparue très furtivement il est vrai sur les écrans en 1956, elle devra attendre 1960 et  la nouvelle vague pour enfin être considérée comme une actrice en France. Même si Otto Preminger à déjà fait appel à ses services pour un rôle conséquent « Exodus ». Un film où de son propre aveu  « Je me demandais ce que je fichais là, ce que l’on attendait de moi et ce qu’il fallait que je fasse! ».

La belle Alexandra va alors mettre les bouchées doubles et…Brouiller les pistes. Actrice estampillée « nouvelle vague » en France, elle est parfois sollicitée pour une grosse machinerie hollywoodienne ou par des réalisateurs italiens. En outre, elle est une véritable icône du cinéma…Allemand! Et pour encore compliquer le tout, telle une Brigitte Bardot elle refuse ou accepte des propositions sur un coup de tête ou l’envie du moment. C’est ainsi qu’entre autres, elle refuse tout net d’être Lara dans « Le Docteur Jivago » . Décision qui fera le bonheur et la gloire de Julie Christie.

En 1964 elle tourne « Mickey One » à Hollywood avec Warren Beatty et Arthur Miller la contacte pour lui proposer « The Marketplace », le scénario qu’il a tiré d’une de ses pièces et qu’il destinait prétendûment à Marilyn. Le rôle d’une simple bourgeoise se faufilant hors de chez elle aux aurores pour vendre ses charmes aux maraîchers avant de rentrer préparer le petit déjeuner. Le film ne se fera pas mais il est intéressant de savoir qu’Arthur Miller voyait en Alexandra Stewart celle qui pouvait succéder à feue son ex épouse à Hollywood.

Picasso voyait lui aussi en Alexandra une beauté sensationnelle du temps. Au cours d’un déjeuner il avait fait son portrait sur la nappe en papier du restaurant. Alexandra emporte le chef d’œuvre dans la poche de son Jean’s, l’oublie et passe le tout à la machine!

alexandra stewart

En 1966, elle est choisie par José Giovanni pour sa première réalisation au cinéma. Il fait d’elle la vedette de « La Loi du Survivant » avec Michel Constantin d’après son roman « Les Aventuriers ». Giovanni éprouvant des difficultés à résumer son roman en un scénario, il en tire finalement deux et confie la réalisation du second à Robert Enrico qui en fera… »Les Aventuriers » avec Delon et Ventura!

En outre, si la belle se voit maintenant offrir de beaux grands rôles, elle n’hésite pas à apparaître furtivement dans des films qui l’intéressent pour des réalisateurs qu’elle aime. Ainsi lorsqu’elle accepte un très court rôle d’institutrice dans « La Mariée était en Noir » de François Truffaut, trois scènes dont une « raccord », elle a déjà tenu le premier rôle féminin dans une superproduction hollywoodienne, ce fameux  »Mickey One » sous la direction d’Arthur Penn! Alexandra et François Truffaut s’étaient recontrés dans la mouvance des Cahiers du cinéma. Elle rejoint la liste de « ses actrices dont il était éperdument amoureux ». Alexandra semble avoir été la seule avec Isabelle Adjani à ne pas croire un mot de ces sempiternelles fadaises.

A plusieurs reprises, Truffaut songe à Alexandra Stewart pour lui confier un grand rôle mais les projets ne se concrétisent pas. Ou du moins avec elle. En général l’emploi du temps de l’actrice ne lui permet pas de se libérer pour les projets de Truffaut. La seule fois où, enfin, ils pourraient tourner ensemble, Alexandra est enceinte. Truffaut fulmine. Non sans faire un parallèle avec son maître Alfred Hitchcock qui rêvait de faire tourner Vera Miles. Laquelle était toujours indisponible ou…Enceinte. Vera ne sera pour Hitchcock que la soeur de Janet Leigh dans « Pschose » alors qu’elle aurait dû être la star du film et avant cela de « Vertigo ».

Truffaut volontiers mufle incohérent va préparer « La Nuit Américaine » en pensant à Alexandra, ce qu’il lui fait très largement savoir puis engagera Jacqueline Bisset. Il relègue Alexandra dans un second rôle de petite actrice emmerdeuse et capricieuse puis…Enceinte.

Il mène comme de bien entendu une liison avec sa star Jacqueline Bisset sur le tournage non sans guetter une éventuelle réaction d’Alexandra du coin de l’oeil. Peine perdue, Alexandra s’en fiche éperdument. Truffaut va alors rompre toute relation avec elle, l’accusant d’avoir flanqué son film par terre à force de retards et de caprices.

alexandra stewart

Alexandra Stewart sera sollicitée par six générations de metteurs en scène parmi les plus prestigieux de leurs époques respectives comme François Truffaut bien entendu mais aussi Edouard Molinaro, Arthur Penn, Philippe de Broca, Otto Preminger, Francis Girod, José Giovanni, Claude Chabrol, Pierre Kast, François Ozon,  Roger Vadim, Claude Lelouch, Ralph Habib, François Leterrier ou Jacques Doniol Valcroze. Et le tout sans jamais se faire coller une étiquette quelconque si ce n’est celle de sa grande beauté.

Dès les années 60 elle sera très sollicitée par la télévision où on lui offre de grands rôles de prestige puis finira par se laisser tenter par le théâtre.

Alexandra Stewart pourrait être cette actrice qui ne cesse de travailler et qu’on ne voit jamais car elle n’a aucune « habitude ». Les amateurs de nouvelles vague ne l’auront vue que quatre ou cinq fois mais il en va de même pour les fans de cinéma américain, de cinéma français commercial… et même pour les téléspectateurs. Elle n’est pas non plus de celles qui hantent les émissions télévisées, brouillant les pistes de sa vie privée comme celles de sa carrière. Que l’on sache qu’elle a eu un enfant, sa fille Justine, hors mariage avec Louis Malle qui la dirige dans « Le Feu Follet » en 1963 est le summum de l’indiscrétion.

Il y aura bientôt soixante-dix ans qu’Alexandra Stewart est apparue pour la première fois sur les écrans et on ne sait toujours rien d’elle. Et pourtant, toujours aussi belle, elle est toujours présente sur tous les fronts. Parfois elle s’épouvante un peu du nombre de grands rôles qu’elle a laissé filé, sans plus très bien savoir pourquoi au juste.

Chapeau bas, belle dame du Canada!

Celine Colassin

alexandra stewart

QUE VOIR?

1956: Club de Femmes: Avec Nicole Courcel et Dany Carrel

1959: Les Motards: Avec Roger Pierre et Jean-Marc Thibaut

1959: Les Liaisons Dangereuses: Avec Jeanne Moreau et Gérard Philipe

1960: Les Distractions:Avec Jean-Paul Belmondo

1960: Exodus: Avec Eva Marie Saint et Paul Newman

1960: Tarzan the Magnificent: Avec Gordon Scott, Betta Saint John et Jock Mahoney

1960: L’Eau à la Bouche: Avec Bernadette Lafont et Françoise Brion

1961: Les Mauvais Coups: Avec Simone Signoret

1961: La Mort de Belle: Avec Monique Melinand et Jean Desailly

1962: Climats: Avec Marina Vlady, Emmanuelle Riva et Jean-Pierre Marielle

1963: Le Feu Follet: Avec Yvonne Clech, Jeanne Moreau et Maurice Ronet

1963: Merci Naterica! Avec Peter Vaneck et Clara O’Dovar

1963: Die endlose Nacht: Avec Louise Martini et Karin Hübner

1963: Das Große Liebesspiel: Avec Lilli Palmer, Hildegarde Kneff, Danièle Gaubert et Nadia Gray

1963: Dragées au Poivre: Avec Guy Bedos et Jean-Paul Belmondo

1964: …E la Donna Creo l’Uomo: Avec Gino Cervi et Thomas Fritsch

1965: Mickey One: Avec Warren Beatty et Franchot Tone

1966: La Loi du Survivant: Avec Michel Constantin

1967: Maroc 7: Avec Elsa Martinelli, Cyd Charisse et Gene Barry

1968: Only When I Larf: Avec Richard Attenborough et David Hemmings

1968: l’Ecume des Jours: Avec Marie-France Pisier et Jacques Perrin

1968: La Mariée était en Noir: Avec Jeanne Moreau (elles n’ont aucune scène en commun)

1969: Bye, Bye, Barbara: Avec Eva Swann, Bruno Cremer et Anny Duperey

1970: Ohrfeigen: Avec Curd Jürgens et Nadja Tiller

1970: Ils: Avec Michel Duchaussoy et Charles Vanel

1971: Valparaiso, Valparaiso: Avec Bernadette Lafont et Alain Cuny

1971: Où est passé Tom? Avec Rufus

1971: Zeppelin: Avec Elke Sommer et Michael York

1972: L’Homme qui revient de Loin: Avec Louis Velle

1973: La Nuit Américaine: Avec Jean-Pierre Léaud

1973: Because of the Cats: Avec Bryan Marshall et Sylvia Kristel

1974: The Heatwave Lasted Four Days: Avec Joan Blackman

1974: The Marseille Contract: Avec Michael Caine, Catherine Rouvel, Anthony Quinn et James Mason

1975: Black Moon: Avec Cathryn Harrison et Joe Dallesandro

1977: Julie pot de Colle: Avec Marlène Jobert

1977: Good bye Emmanuelle: Avec Sylvia Kristel et Jean-Pierre Bouvier

1978: la Petite Fille en Velours Bleu: Avec Claudia Cardinale et Michel Piccoli

1981: Les Uns et les Autres: Avec Géraldine Chaplin et James Caan

1981: Madame Claude 2: Avec Dirke Altevogt

1981: Chanel Solitaire: Avec Marie-France Pisier et Timothy Dalton

1982: La Guerilléra: Avec Agostina Belli et Jean-Pierre Cassel

1982: Le Choc: Avec Catherine Deneuve et Alain Delon

1984: Le Bon Plaisir: Avec Catherine Deneuve et Michel Serrault

1984: le Sang des Autres: Avec Jodie Foster

1986: Peau d’Ange: Avec Robin Renucci

1990: Monsieur: Avec Dominic Gould et Eva Ionesco

1996: Seven Servants: Avec Anthony Quinn et David Warner

2000: Sous le Sable: Avec Charlotte Rampling

2003: Rien, Voilà l’Ordre! Avec Amira Casar et Laurent Terzieff

2005: Mon Petit Doigt m’a dit: Avec Catherine Frot et André Dussolier

2009: Bazar: Avec Lou Doillon et Bernadette Lafont

2009: A deux c’est plus facile: Avec Michel Galabru

2010: Ma Compagne de Nuit: Avec Emmanuelle Beart

2011: La Cara Oculta: Avec Martina Garcia

2013: Merry Christmas: Avec Anthony Langdon

 

 

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