Abbe Lane, épouse de Xavier Cugat fut présentée au public par ce dernier comme la plus sensationnelle bombe sexuelle de tous les temps.
Pourtant, la jeune et pulpeuse Abbe, est née dans le quartier juif de New-York. Le 14 décembre 1932. Sous le patronyme d’Abigail Francine Lassman. Elle avait grandi aux antipodes des sons sud-américains qui faisaient la gloire de l’orchestre de Cugat. Petite fille, déjà enfant star à la radio, elle étudiait le chant et la danse avec application jusqu’à ce qu’elle puisse se produire dans des musicals à Broadway.
Où quand et comment rencontra-elle le ventripotent Xavier Cugat, je l’ignore. Un fait demeure est certain: ces deux-là se marièrent en 1952 et allaient rester unis douze ans. Douze années ou Abbe sera l’attraction de l’orchestre Cugat.
Véritable bombe sexy chantant juste et dansant bien, Abbe aurait pu devenir une star de première grandeur. Lorsque l’on revoit ses anciens passages télévisés, elle ne manque certes ni de technique et encore moins de charme. Mais il manque malgré tout quelque chose. Abbe Lane n’est pas éclairée de cette flamme qui fait vibrer d’autres chanteuses comme Piaf, Garland ou même Eartha Kitt. Si le registre de celles-ci est aux antipodes de l’univers Cugat, elle est tout aussi distante d’une Carmen Miranda qui semble jubiler sous ses chapeaux de fruits en chantant « Tico-Tico ». Abbe Lane a toujours l’air d’une grande dame. Une altesse déchue obligée de se compromettre dans le show business mais tenant à montrer à tous ces croquants comment sait se tenir une dame. La technique est impeccable, les oeillades implacables, le déhanché ravageur mais la dame ne sera ni décoiffée ni chifonnée.
Il semble qu’elle souhaite avant tout être reconnue comme une femme élégante, chic et distinguée, alors que sa publicité tapageuse et son image de marque l’apparentent plus à une Jayne Mansfield qu’à une Audrey Hepburn. Elle danse rumba, mambo et cha-cha endiablés dans des robes somptueusement provocantes, très las végasiennes mais ne semble pas donner toute son énergie, n’offrant au public que son travail et la maîtrise de ses pas.
Il semble que le public en question n’ait pas été dupe et que ce côté « contraint » ait freiné son ascension.
Elle se répand pourtant en confidences un rien scabreuses dans la presse et l’abreuve d’anecdotes telles que celle-ci.
« Je suis passée à la télévision en Italie mais mon jeu de jambes a été jugé trop suggestif et j’ai été censurée. On ne m’a plus filmée que jusqu’à la taille, mais c’était encore trop, les italiens étaient choqués par le volume de ma poitrine alors ils n’ont plus filmé que mon visage. Quand ils ont vu ce que je savais faire de ma bouche ils ont décidé que je ne passerais pas à la télévision du tout!’
Il faut reconnaître qu’avec une telle beauté, la presse se délecte d’Abbe Lane et tout est bon pour parler d’elle et surtout publier sa photo.
En 1958 elle fait la UNE parce qu’elle passe trois jours à Paris. Elle est venue acheter quelques bijoux avec Cugat qui est assez riche pour ne jamais demander les prix. Le couple est suivi d’une cohorte de journalistes et enfin l’aubaine tant espérée arrive! Suzy, le petit caniche blanc d’Abbe s’affole de la circulation alors qu’Abbe prend l’apéro en terrasse. Elle n’a d’autre choix que de protéger son petit chien sous sa chaise et surtout derrière ses jambes follement bronzées. L’évènement, car c’en est un en 1958, fera le tour du monde et les jambes sublimes seront complaisamment affichées partout. Quel événement! Vive la presse internationale!
Aux USA on est moins prude semble-il qu’en Italie et on voit souvent Abbe venir se déhancher pendant que son mari fume nonchalamment une cigarette en la regardant. C’est elle qui donnera aux Américains leur première leçon de twist.
Le cinéma comme de bien entendu ne pouvait laisser s’échapper cette fabuleuse créature aux courbes explosives et au rythme latin. Là non plus Abbe ne bouleversera pas outre mesure le spectateur et elle restera plus une curiosité qu’un véritable personnage dans les films où elle apparaît.
Divorcée d’avec Cugat et les modes changeant, la très « années 50″ Abby Lane passe à la trappe même si elle se précipite sur les plateaux télé lorsqu’il est question de Cugat. Après avoir grandement vanté l’intérêt des « hommes âgés » dans les relations sentimentales car ils sont « Plus matures, ils ont plus d’esprit et comprennent mieux les femmes…à tous les niveaux« , elle se remarie avec l’avocat Perry Leff qui a exactement son âge.
La mode rétro des années 80 remettra ses beaux disques à l’honneur et de ci de là on retrouvera Abby guest star dans des séries télé et même dans quelques films.
Le temps continuant son impitoyable course, Abby choisit un jour de s’éloigner en toute discrétion de la vie publique sans adieux tonitruants. Ceux qui croisent parfois l’aimable vieille dame qu’elle est devenue, toujours soudée à sa cohorte de chihuhuas seraient bien en peine d’imaginer qu’ils croisent celle qui fut la scandaleuse madame Cugat.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1954: Wings of the Hawk: Avec Van Heflin et Julie Adams.
1955: Le célibataire: Avec Sandra Milo, Nino Manfredi et Alberto Sordi
1955: Americano: Avec Glenn Ford (Intermède musical ou Abbe présente…L’Americano!)
1956: Meurtre à Responsabilité Limitée: Avec Denis O’Keefe, Paul Stewart et Alison Hayes.
1956: I Girovaghi: Avec Peter Ustinov et Carla del Poggio
1956: Donatella: Avec Elsa Martinelli, Walter Chiari et Xavier Cugat
1958:Tueurs de Feux à Maracaibo: Avec Cornel Wilde et Jean Wallace
1958: Dites 33: Avec Toto, Vittorio de Sica, Darry Cowl et Pierre Mondy
1958: Lo Scapolo: Avec Alberto Sordi et Xavier Cugat
1959: Roulotte e roulette: Avec Antonio Cifariello
1962: Giulio Cesare contro i Pirati: Avec Gordon Mitchell et Gustavo Rojo